L’expédition Andrée: Atteindre le Pôle Nord en Ballon
L’expédition Andrée, c’est une tentative d’atteindre le Pôle Nord en ballon.
L’expédition Andrée: S. A. Andrée, le tout premier aérostier suédois, proposa de réaliser un périple en ballon à hydrogène du Svalbard à la Russie ou au Canada, avec pour objectif de survoler en cours de route le pôle Nord. Cette initiative fut accueillie en Suède avec un grand enthousiasme, exacerbé par le patriotisme d’une nation nordique jusqu’alors à la traîne dans la course au pôle Nord.
L’expédition Andrée de 1897
Le départ de l’île des danois a lieu le 11 Juillet 1897 du Spitzberg.
3 hommes à l’intérieur du ballon l’ Örnen, l’Aigle,gonflé à l’hydrogène par acide sulfurique sur limaille de fer. Salomon August Andrée, Nils Strindberg, Knut Fraenkel.
C’est dans la baie de Virgo que le ballon fut gonflé, l’acide sulfurique était transporté dans des obus d’acier.
Si la tentative de l’explorateur suédois Andrée et de ses compagnons, de conquérir le pôle Nord à bord du ballon l’Adler, a échoué en 1896 à cause de mauvaises conditions de vent, elle réussit enfin le 11 juillet 1897. Le ballon, l’équipage, le matériel et des hommes arrivèrent à bord de deux navires d’Etat le 26 mai. Si les préparatifs furent simplifiés grâce aux installations et au matériel laissés sur place l’année précédente, il fallut d’abord réparer les avaries subies durant l’hivernage, et le 19 juin commença l’opération de gonflement du ballon. Après aménagement de la nacelle, démolition d’une partie du hangar et vérification de l’étanchéité de l’aérostat, l’ordre de départ fut donné le 11 juillet devant des conditions atmosphériques favorables. L’ascension se fit dans de bonnes conditions et le ballon se dirigea vers le pôle Nord, emportant Andrée, Fraenkel et Strindberg à une vitesse d’environ 35 kilomètres à l’heure vers leur but
Peu après le départ du Svalbard en juillet 1897 de l’expédition Andrée, le ballon se mit à perdre de l’hydrogène et, malgré le délestage d’une partie du matériel, s’écrasa sur la banquise après seulement deux jours de voyage. Les trois explorateurs s’en sortirent sains et saufs, mais durent dès lors entreprendre une périlleuse randonnée vers le Sud, sur l’étendue de glace à la dérive. Après l’échouage, les hommes marchèrent 3 mois en trainant des traineaux lourdement chargés, sur une banquise impraticable à cause du dégel. Mal habillés, mal préparés et mal équipés pour une telle aventure, ainsi que surpris par la difficulté de cette entreprise, ils furent incapables de trouver une échappatoire. Tentant de revenir sur l’île du départ, ils arrivèrent sur l’île Blanche ,Kvitøya ,et moururent trois semaines après en dépit d’une chasse abondante.
De nombreuses questions persistent sur l’expédition Andrée. Que c’est il passé? De quoi sont ils réellement morts? Pourquoi le premier mort n’a t’il pas été signalé dans le carnet des survivants?
Les restes de l’expédition Andrée ont été retrouvé le 6 Août 1930 par le Bratvaag commandé par le capitaine Peder Eliassen. Le Bratvaag, un phoquier construit par Colin Archer, architecte norvégien qui conçut aussi le Fram de Nansen qui résista à trois ans de dérive sur les glaces de l’arctique.
Ils ramenèrent à Tromsø les restes d’Andrée et de Strindberg, et une foule de matériel, sextant, boussole, chronomètres et les précieux journaux de bord qui allaient révéler tous les périples du drame.
Une autre expédition parti juste après l’annonce de la découverte des restes de l’expédition Andrée, le Isbjorn ramena le corps de Fraenkel et d’autres vestiges dont les plaques photographiques Eastmann dont la date de péremption était Février 1898 mais que la glace avait parfaitement conservée.
Les dernières notes écrites sont de Strindberg: “17 Octobre, retour à 7 heures du soir”.
Les dangers inhérents à cette expédition furent négligés par Andrée. Une conduite efficace du ballon était nécessaire à la bonne marche du voyage, mais le dispositif de conduite, développé par Andrée et utilisant un système de guideropes, montrait de nombreux signes de faiblesse. Ce sont ces guideropes qui scellèrent le sort de l’expédition. Pire encore, Örnen (l’Aigle), le ballon de l’expédition, fut directement livré au Svalbard par son constructeur parisien sans aucun test préalable. Andrée refusa par ailleurs d’envisager les conséquences alarmantes de mesures montrant que le ballon fuyait plus que prévu.
Le ballon de l’expédition Andrée
Construit à Paris par le fabricant français Henri Lachambre, il était à l’origine de forme sphérique puis fut élargi en sa partie médiane, par le renfort de deux bandes pendant l’hiver 1896-1897. Légèrement ovale, sa capacité était de 4.800 mètres cubes. Un jeu de trois soupapes (deux latérales et une à la base) permettait l’évacuation du gaz à l’atterrissage qui était renforcée par un panneau de déchirure. L’absence de soupape dans sa partie supérieure le différenciait des autres ballons. Le filet, fabriqué en chanvre était imperméabilisé par un enduit de vaseline paraffinée, et se terminait par 48 cordes qui s’attachaient au cercle de charge. Une calotte de soie, fixée au sommet du ballon, protégeait les nœuds des mailles de l’accumulation de la neige et du givre.
La nacelle faite d’osier et de rotin était cylindrique et recouverte d’une bâche. Une trappe donnait accès à l’intérieur de la nacelle où se trouvaient trois couchettes ainsi que les accessoires utiles à l’expédition. On pouvait accéder de la nacelle au cercle de charge grâce à une échelle de corde. Celui-ci était équipé de nombreuses poches, contenant, pour la plupart, des vivres.
Le ballon était équipé de 3 guideropes, tous de longueurs différentes (totalisant 630 mètres et pesant 535 kg en l’air, plus 370 m et 315 kg traînant sur le sol) et de 8 câbles de délestage (de 70 m de long d’un total de 400 kg). Les guideropes étaient utiles à l’équilibrage et à la direction du ballon, et les câbles de délestage permettaient de maintenir l’aérostat à une hauteur constante. A 30 mètres de l’extrémité des guideropes, la corde avait été détordue pour lui permettre de rompre en cas d’accrochage au sol.
L’aérostat était muni de trois voiles (une médiane et deux latérales) d’une surface de 86 m², de deux ancres et trois grappins pesant de 6 à 12 kg et de sacs de sable représentant 345 kg de lest.
Un chargement de 767 kg de vivres, complété par des vivres de réserve, permettait à l’expédition de subsister pendant 6 mois. Un réchaud à alcool, accroché à 8 mètres au-dessous de la nacelle, permettait la cuisson des aliments. Des messages devaient être envoyés par pigeons voyageurs et par des bouées (onze petites de 2,1 kg et une grosse prévue pour être jetée au-dessus du pôle). Trois traîneaux, un bateau et quantité d’appareils scientifiques utiles à la mission avaient également été chargés à bord du ballon.
La préparation de l’expédition Andrée
LES PREMIERS ESSAIS A BORD DU BALLON SVEA
En 1893, Andrée acheta au constructeur français Gabriel Yon, un ballon de 1.054 mètres cubes, capable d’atteindre une hauteur de 3.000 mètres. Il fut baptisé Svéa. De 1893 à 1895, Andrée fit neuf ascensions à son bord, étudiant la température, l’humidité à différentes altitudes, les courants, l’hygrométrie, la composition chimique de l’air… Il mit ainsi en évidence le phénomène de parachute (pression atmosphérique qui s’exerce fortement sur la partie inférieure du ballon) ou la continuelle alternance des montées et descentes du ballon lors de la perte de gaz qui fait fonctionner l’aérostat comme un cerf-volant. Cette dernière constatation entraîna la création de guideropes permettant de diriger le ballon en lui donnant des mouvements latéraux, et qui traînés sur le sol permettaient de réduire sa vitesse. Il équipa le Svéa d’une voile de dérive reliée à un dispositif permettant d’en changer la position selon les vents, et d’un système permettant de le stopper très rapidement pour éviter une dangereuse traînée de l’aérostat.
La préparation du voyage polaire
L’idée d’Andrée, de vaincre les glaces et d’atteindre le pôle Nord en passant en ballon par-dessus, lui était vraisemblablement venue suite aux exploits réalisés par les aéronautes français lors du siège de Paris.
En 1895, à la demande de Nordensköld, le célèbre explorateur polaire qui avait découvert le passage du Nord-Est et qui s’intéressait à une possibilité d’utiliser un ballon pour des missions polaires scientifiques, Andrée exposa dans une séance publique de l’Académie des Sciences son projet d’un voyage polaire en ballon libre à travers les glaces. Il mit en évidence l’incapacité des bateaux et le danger des expéditions à pied pour y parvenir. Le principal objectif de son expédition était d’explorer d’un point de vue géographique les contrées voisines du pôle Nord. Andrée démontra qu’en été le climat polaire était particulièrement propice à une telle ascension, d’une part par la présence du soleil de jour comme de nuit, et d’autre part par les très faibles chutes de pluie à cette saison. Le projet d’Andrée, soutenu par Nordensköld, put se concrétiser grâce à l’apport de fonds de l’ingénieur Alfred Nobel, inventeur de la dynamite et fondateur du prix Nobel, qui apporta une contribution de la moitié de la somme nécessaire à la réalisation de l’expédition. Le roi Oscar, le baron Oscar Dickson et le couple Retzius versèrent le complément.
Andrée s’entoura dès lors du docteur Nils Ekholm, météorologue et astronome et du physicien Nils Strindberg, photographe et technicien dont le rôle fut également de se livrer à des études approfondies sur la friction des guideropes et l’étanchéité de la toile du ballon, de déterminer avec Ekholm la puissance ascensionnelle de l’aérostat et de gonfler le ballon.
Le ballon fut commandé à l’aéronaute et fabricant français Henri Lachambre pour décembre 1895.
En juin 1896, Andrée, accompagné de Ekholm et de Strindberg quitta la Suède à bord du Virgo, en direction du Spitzberg. La base fut installée sur l’île des Danois, près de la maison de Pike. L’aérostat, l’appareil à hydrogène, et la nacelle furent débarqués. Un hangar fut élevé, mais les conditions météorologiques furent mauvaises et l’expédition attendit en vain un vent favorable. Le 15 août la décision fut prise d’abandonner le projet pour cette année.
En automne 1896, Ekholm renonça au projet, ne jugeant pas le ballon capable de répondre à ce que l’on en attendait. Il tenta de convaincre Strindberg d’abandonner aussi, mais ce dernier resta fidèle à ses engagements, et Fraenkel fut désigné comme remplaçant.
L’envol de l’Oern
Les membres de l’expédition, accompagnés du lieutenant Svedenborg présent en tant que remplaçant, quittèrent la Suède le 18 mai 1897 à bord du navire le Svenskund qui jeta l’ancre près de la maison de Pike le 30 mai. Le hangar, construit l’année passée n’avait pas trop souffert des intempéries et put être à nouveau utilisé. Les préparatifs se poursuivirent, et tout fut prêt le 1er juillet.
Il est intéressant de noter que cette expédition était très bien couverte par les médias. La publicité s’en est appropriée l’image avec des reproductions comme celle-ci. Il s’agit notamment d’une carte collection pour le cacao Van Houten.
Le 11 juillet 1897, à 13 h 46, le ballon s’envola avec ses trois membres d’équipage. C’est à ce moment qu’il fut baptisé l’Oern (« aigle » en suédois). Avec des mouvements assez réguliers, l’aérostat s’éleva doucement et prit la direction du nord-est, laissant traîner derrière lui les guideropes dans l’eau. Quelques instants plus tard, le ballon se mit à descendre et un mouvement brusque plongea la nacelle dans l’eau (selon d’autres sources, elle n’aurait fait que l’effleurer), puis il remonta si rapidement qu’il fallut déjà vider 207 kg de lest de sable. Les guideropes, précieux éléments sur lesquels comptait l’expédition, cassèrent (ou se dévissèrent). Cet incident modifia considérablement la trajectoire du voyage, puisque privé de ses possibilités d’orientation, le ballon était à la merci du vent.
Du 11 au 14 juillet, le ballon poursuivit sa route dans les airs. Andrée et Strindberg consignèrent le détail de l’expédition et leurs observations sur des carnets. Le ballon suivait la direction de l’est. Parfois, des brouillard se formaient et le ballon descendait. Cette perte d’altitude était due au passage du ballon d’une zone de soleil à une zone d’ombre. La partie inférieure d’un guiderope fut réparée à l’aide de câbles de délestage, et le 12 juillet, la navigation aux guideropes commença. La direction suivie était est. Dès que le ballon entrait dans un nuage, l’altitude diminuait tant que les guideropes frôlaient la glace. Dans la nuit, le ballon fit une chute de 500 m à 20 m. Les câbles ne se tendirent pas. Puis les vents poussèrent le ballon vers le nord et la brume s’installa. Pendant toute la durée du vol, la température avoisina 0 degré. Dans l’après-midi, la nacelle fut si basse qu’elle heurta la glace. Du lest fut jeté par dessus bord. La direction devint ouest. Dès lors, les chocs de la nacelle sur la glace s’enchaînèrent les uns après les autres. A 22 heures, l’Oern s’arrêta, ballotté au gré du vent et accroché pendant 13 heures à un bloc de glace. Le 13 juillet, il se dégagea. La brume s’épaissit à nouveau et du givre se déposa sur les cordes, augmentant la surcharge pondérale. La direction était est. Dans l’après-midi, les chocs contre la glace recommencèrent, et un incendie sans grande gravité se déclara. Le 14 juillet, le vol était toujours lent et bas. La nacelle heurta si souvent la glace qu’Andrée décida d’interrompre là le voyage et d’atterrir. Les soupapes furent ouvertes, et les trois aéronautes débarquèrent sur la glace flottante, à plus de 300 km de la terre polaire la plus proche (320 km de la terre du Nord-Est et 350 km de la terre de François-Joseph). Le voyage avait duré soixante-cinq heures.
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Pendant le vol en ballon, des messages furent envoyés par pigeons voyageurs ou par bouées. Seules quatre petites bouées furent retrouvées à différentes dates (dont une après 1.142 jours de dérive), ainsi que la grosse qui devait être jetée au pôle. Un seul message par pigeon voyageur fut intercepté.
Hommages à l’Expédition Andrée
Coupure de Presse de 1930 sur l’expédition Andrée:
LA DECOUVERTE DES RESTES DE L’EXPEDITION ANDREE
Source : L’Illustration – N° 4567 – 13 septembre 1930
Depuis notre dernier numéro, une série de documents authentiques relatifs à la découverte des restes de l’expédition Andrée, enfouis depuis trente-trois ans dans les neiges du Spitzberg, ont été publiés. Ce sont d’abord le rapport officiel du Dr Gunnar Horn, le chef de l’expédition scientifique norvégienne, qui a récolté ces précieux vestiges sur les circonstances de cette trouvaille extraordinaire, puis une interview de ce naturaliste prise par M. Odd Arnesen, de l’Aftenposten d’Oslo, le reporter attitré des évènements polaires ; enfin les communiqués de la commission envoyée à Tromsö par le gouvernement suédois avec mission de constater l’identité des corps rapportés par les Norvégiens. De leur côté, le Journal et l’Illustration ont reçu les photographies reproduites ici dont il est inutile de souligner l’intérêt documentaire considérable.
Ces différentes pièces nous permettent de présenter aujourd’hui à nos lecteurs un résumé des mémorables évènements dont l’île Blanche vient d’être le théâtre, et qui ont éveillé la curiosité émue du monde entier. Au cours de ce récit, nous serons amenés à redire quelques détails déjà signalés dans nos précédents articles. On nous pardonnera ces répétitions nécessaires pour donner un tableau aussi complet que possible de cette exploration si féconde en résultats sensationnels.
Pour l’intelligence du récit, rappelons que le Bratvaag, chasseur de phoques norvégien, commandé par le capitaine Eliasen, avait pris la mer le 26 juillet, à destination de la terre François-Joseph, attiré dans ces parages par l’abondance du gibier. Par suite d’un accord intervenu entre le service norvégien d’exploration du Spitzberg et l’armateur, il avait embarqué une mission de trois naturalistes : le Dr Gunnar Horn, chef d’expédition, géologue, auteur d’un remarquable mémoire tout récent sur la terre François-Joseph, par suite tout à fait qualifié pour diriger une exploration dans cet archipel ; ensuite un zoologue, M. Adolph Sörensen, et un botaniste, M. Olaf Hanssen.
Le 31 juillet, après avoir dépassé Tromsö, le Bratvaag sortait de l’archipel qui enveloppe les côtes de la péninsule scandinave et mettait le cap droit au nord, à travers l’océan Glacial. Deux jours plus tard, il arrivait à l’île de l’Espérance, île solitaire perdue dans l’est du Spitzberg, et, le 4 août, à l’île Abel, de l’archipel du Roi-Charles où les naturalistes débarquaient pendant quelques heures. Généralement, même au commencement d’août, cette région de l’océan Glacial demeure encombrée de banquises et difficilement navigable ; cette année-ci, comme nous l’avons déjà signalé, partout au contraire la mer est libre. Dans ces conditions, le capitaine Eliasen décida de profiter de ces circonstances extraordinairement favorables, et, au lieu de faire route vers la terre François-Joseph, résolut de pousser toujours droit au nord et d’aller explorer les îles éparses dans le large bras de mer séparant l’archipel François-Joseph de la terre du Nord-Est au Spitzberg et dont ordinairement l’accès est interdit par d’épaisses banquises. Dans ces parages peu fréquentés, ours, morses, phoques sont encore nombreux.
Le 5 août, toujours sans avoir rencontré la moindre difficulté, l’expédition atteignait ainsi la Grande-Ile au large de la côte orientale de la terre du Nord-Est et y débarquait. Près d’un dépôt de vivres érigé en 1928 sur cette terre perdue à l’intention de Guilbaud, d’Amundsen et des naufragés de l’Italia, les Norvégiens dressèrent un des petits baraquements qu’ils avaient été chargés de construire dans ces parages écartés pour servir d’abris au cas où des chasseurs seraient emprisonnés par les banquises et condamnés à hiverner dans cette région inhospitalière. Ce travail achevé, le Bratvaag fit route à l’est, vers l’île Blanche, une des terres les plus difficilement accessibles de cette mer dans les circonstances habituelles.
Toujours dans cette direction également, mer complètement libre ; en revanche, une brume épaisse. Quoi qu’il en soit, le navire avance ; bientôt, d’ailleurs, la nuée s’éclaire ; progressivement, puis tout d’un coup, elle se déchire, découvrant un soleil éclatant et, dans une de ces féeries de lumière dont les régions polaires offrent souvent le spectacle, la coupole de glace de l’île Blanche apparaît. Le 5 août, à 23 heures, le Bratvaag mouillait devant la partie sud-ouest de cette terre. Ce promontoire est la seule partie de l’île qui ne soit pas enfouie sous la glace ; représentez-vous une surface de 3 kilomètres de long sur 500 mètres de large, encore partiellement couverte de neige sur les espaces libres relativement étendus ? Quel n’est pas l’étonnement de trouver de pauvres petites fleurs, les mêmes espèces que l’on récolte aux altitudes extrêmes dans les Alpes, pâle sourire de l’été aux confins du pôle. Dans ce monde congelé, ce triste pays constitue une oasis propice à la vie. La relativité ! Au-dessus de ces champs de rochers, de terre détrempée de neige, ne voit-on pas voltiger des centaines et des centaines de pagophiles blanches, la plus jolie mouette de notre hémisphère, des oiseaux entièrement blancs avec bec et pattes noires ? Ces palmipèdes ont ici leur place de ponte et chaque été ils reviennent vivre en colonie sur cette île désolée où ils trouvent l’abondance. Nous verrons plus loin combien ce détail présente d’intérêt au point de vue de la découverte des vestiges de l’expédition Andrée.
» Il y a du bon « , pensa l’équipage du Bratvaag en arrivant à l’ Ile Blanche. A peine le bateau ancré, il aperçoit, en effet, un troupeau de morses dans les eaux du mouillage. Bientôt la chasse commence ; elle fut fructueuse, et, dans la matinée du 6 août, les chasseurs avait réussi à ramener sur la plage un de ces énormes mammifères marins et en avaient commencé le dépècement pour embarquer la graisse destinée aux huileries. Un dur et pénible travail, surtout sous le soleil polaire qui vous brûle la peau comme celui des hautes altitudes. Aussi bien » faisait-il soif » et deux matelots s’en furent chercher de l’eau à un ruisseau voisin. Apercevant quelque chose de noir sur une plaque de neige, ils se dirigèrent de ce côté et ne furent pas peu surpris de découvrir dans cet objet sombre un canot et un manche de gaffe portant l’inscription Andrées Polarekspedition 1896. Immédiatement avertis de cette découverte, les naturalistes et le capitaine accoururent, et aussitôt commencèrent les recherches. Deux matelots trouvent le registre d’observations d’Andrée pendant la retraite de l’expédition après la chute du ballon, puis le capitaine découvre le cadavre couvert de ses vêtements ; sur la doublure du veston on déchiffre l’initiale A. Evidemment, la dépouille de l’infortuné aéronaute ! » Une poignante émotion nous étreint, écrit le Dr Horn dans son passionnant rapport publié par le Journal. Il n’y a aucun doute ; nous foulons le rivage qui, il y a trente-trois ans fut témoin de la lutte suprême pour la vie des héroïques explorateurs suédois et, en proie à une profonde tristesse, nous nous acheminons vers leur camp dont les épaves nous disaient clairement le drame effroyable dont ces lieux avaient été le théâtre. «
Les Norvégiens découvrirent ensuite un second corps, partiellement recouvert de pierres sèches, qu’ils ne purent identifier d’abord, mais qui se révéla ensuite être celui de Strindberg, puis, dans le bateau démontable, d’autres ossements, mais ne paraissant pas provenir d’un squelette humain.
Tout l’après-midi du 6 et toute la nuit suivante, naturalistes et matelots travaillèrent à recueillir les épaves de la malheureuse expédition. A cette latitude où, en été, le soleil demeure constamment sur l’horizon, la journée de huit heures est inconnue. Une opération singulièrement délicate que le dégagement de tous ces objets souvent attachés au sol par une épaisse couche de glace ! Que de précautions étaient nécessaires pour ne pas les briser ! Mais les vaillants Norvégiens furent récompensés de leur peine. Parmi les objets rapportés par les hommes du Bratvaag, citons un carnet trouvé dans une poche d’Andrée contenant quelques pages de son propre journal de route, un réchaud encore garni de pétrole, en parfait état de conservation, à telle enseigne que le Dr Horn l’alluma sur place sans aucune difficulté, le canot pliant de l’expédition renfermant une foule d’objets curieux et qui paraît avoir servi de magasin aux naufragés de l’air. Mentionnons encore deux traîneaux, des fusils, des instruments, les débris de la tente. Tout fut transporté à bord, mais au prix d’un long et pénible labeur ; pour amener, sans casser quoi que ce soit, le canot pliant rempli de glace au bord de la mer, distante de 125 mètres, les efforts de dix hommes furent nécessaires.
Avant de lever l’ancre, les Norvégiens dressèrent un mât de pavillon sur le monticule dominant la plaine neigeuse, témoin du drame final de l’expédition Andrée, pour signaler aux navigateurs futurs l’emplacement de ce site désormais historique. Au pied de ce mât, ils construisirent ensuite une pyramide en pierres sèches dans laquelle fut placée une bouteille contenant un document indiquant qu’en cet endroit furent découvertes les épaves de l’expédition aéronautique suédoise de 1897.
Cette découverte est due à des circonstances climatiques exceptionnelles. Dans cette partie du domaine polaire, l’hiver 1929-1930 ayant été remarquablement doux et l’été suivant très chaud – le thermomètre s’est élevé, dit-on, jusqu’à 15° au-dessus de zéro, à la terre François-Joseph, température extravagante à une aussi haute latitude – les neiges ont subi une fusion extraordinairement abondante. Des plaques habituellement permanentes ont disparu très tôt, tandis que celles qui résistaient à la fonte diminuaient de jour en jour ; par suite, des objets enfouis depuis des années sous ces nappes ont apparu au jour pour la première fois. Ainsi s’explique que l’expédition Nathorst, envoyée par la Suède à la recherche d’Andrée un an après son départ et qui débarqua à l’île Blanche exactement au même point que les Norvégiens, en 1930, n’ait rien trouvé. Il y a trente-deux ans, quoique l’été fût relativement chaud, ces explorateurs ne virent qu’une couche de neige sur le terrain où nous savons aujourd’hui que se déroula l’agonie des malheureux aéronautes. A cet égard, une photographie contenue dans le récit de Nathorst représentant le même site que l’image du camp d’Andrée reproduite deux pages plus haut constitue un témoignage irrécusable. Dix-huit jours avant l’arrivée du Bratvaag, un autre chasseur norvégien foula, lui aussi, sans s’en douter également, la neige recouvrant la dépouille d’Andrée. Il ramassa à sa surface plusieurs vieilles boîtes de conserves ainsi qu’un piquet en bois noirci par le temps, mais, préoccupé de rechercher les épaves du ballon de Nobile tombé, croit-on, dans cette région, il ne prêta pas attention à ces débris évidemment trop anciens pour provenir des Italiens. Et il se rembarqua sans songer à Andrée. Ce brave marin passa ainsi à côté de la fortune sans soupçonner sa présence.
Revenus à bord avec leurs funèbres charges, les hommes du Bratvaag déposèrent les squelettes d’Andrée et de son compagnon, ainsi que les ossements trouvés dans le canot pliant dans trois caisses qui furent arrimées sur la plage arrière. Afin d’assurer la conservation des corps, les primitifs cercueils furent recouverts de prélarts sur lesquels on entretint une couche de glace. Ces dispositions prises, l’équipage retourna à terre élever, comme sur la Grande-Ile, une cabane-refuge pour les naufragés avec des matériaux apportés de Norvège. Cela fait, l’expédition fit route vers l’est pour continuer une campagne de chasse. Quelques heures plus tard, elle arrivait à l’île Victoria, où elle communiquait la nouvelle de sa découverte à un autre chasseur, le Terning. C’est, ainsi que nous l’avons déjà raconté, par ce dernier bateau rentré à Tromsö le 22 août que ce grand événement a été connu.
Charles RABOT
Liens sur l’expédition Andrée
http://transpolair.free.fr/explorateurs/andree/index.htm
http://mentalfloss.com/article/28413/disastrous-north-pole-balloon-mission-1897